Força Real entre l’Agly et la Têt : 29 avril 2012
   
Ce dimanche 29 avril, sous un ciel encombré et sous le regard bienveillant de l’ermitage, 26 personnes, regroupées sur le parking de Força Real, écoutaient une présentation de la journée qui se veut instructive et riche d’observations. Força Real est un site reconnu d’exception, d’un point de vue environnemental et patrimonial. Ce massif classé comme ZNIEFF (1) de type 1, renferme une diversité d’habitats naturels dont certains abritent des espèces rares à l’échelle nationale.
A peine le groupe s’élance que déjà des participants, la loupe sous le nez et les flores sur les genoux déterminent, identifient, cherchent. Une grande asphodèle les interpelle, la présence de bractées brunâtres en ferait Asphodelus albus mais son tempérament montagnard oriente les déterminateurs, vers l’Asphodelus macrocarpus (Ci dessous). Il faudra attendre la maturité des fruits (diamètre > 1.2 cm) pour confirmer l’identification.
Une vue panoramique sur la plaine pluri-agricole et les versants semi-forestiers reste un excellent support pour présenter l’impact majeur des différentes orientations de gestion et de valorisation, (choisies au fil du temps par les différents propriétaires privés et publics) sur la diversité des teintes et des cultures, qui rend ce paysage si riche et si singulier.
Dans les territoires sensibles, la prise en compte du risque contre les incendies se traduit par une réglementation spécifique, par la mise en place d’aménagements, et enfin par la conduite d’opérations de sensibilisation. Le Massif de Força Real est un site exposé et historiquement touché (feux de 1986 et de 1995). Sur le site, le débroussaillement autour de l’ermitage et le panneau réglementant l’accès au massif sont là pour nous rappeler ce cadre juridique si spécifique à notre territoire méditerranéen. Par ailleurs, la citerne du Col del Bou, le réseau routier favorisant l’accessibilité, et la pinède débroussaillée sont des aménagements qui ont été réalisés afin de sécuriser et d’optimiser l’intervention des secours pour maitriser et éteindre un incendie. D’autre part, le sentier botanique mis en place dans la forêt communale de Millas et parcouru par de nombreux usagers du site, reste un excellent outil de sensibilisation aux enjeux environnementaux à préserver.
Sur la plate forme, le Tragopogon porrifolius ou le Salsifis à feuilles de poireau attire notre attention et nos objectifs photos. En effet son inflorescence à fleurs violettes, rougeâtres encadrée par un involucre aux folioles aiguisées lui donne un aspect plutôt insolite. Un petit groupe agenouillé attroupé autour d’une fumeterre échange et détermine, c’est bien la Fumaria petteri ou Fumeterre de Petter (ci contre) espèce considérée comme déterminante et remarquable au titre du classement ZNIEFF du site.
Nous descendons le chemin quand les premières pivoines, couleur sang et or, attirent notre attention. La double corolle de certaines fascine les participants qui hypnotisés par cette singularité, ont du mal à céder leur place. Cette rencontre est une opportunité pour rappeler le cadre juridique en matière de protection des végétaux. En effet cette pivoine a le statut d’espèce protégée à l’échelle nationale (400 espèces globalement bénéficient de ce statut en France). Ce qui se traduit par une interdiction de ramassage et de destruction de site. A l’échelle régionale, il existe une liste de 83 espèces protégées. Outre ce cadre juridique lié à l’espèce, il existe une réglementation s’appliquant à des territoires spécifiques, comme le périmètre d’une réserve naturelle, d’un site Natura 2000, d’un arrêté de biotope… Le site de Força Real n’est concerné par aucune de ces réglementations territoriales.
Nous continuons notre périple, les fleurs rose pâle d’un églantier nous interpellent, l’odeur de résine de ses feuilles, la présence de glandes sur le pédicelle, le pétiole et la tige rougeâtre nous permet de le déterminer comme le Rosa pouzinii ou l’Eglantier de Pouzin.
Nous empruntons le chemin de la crête qui borde le « Bach de la Beille », un parterre de pivoines encadre notre descente vers le Cade centenaire au pied duquel nous avons décidé de nous restaurer. Ce genévrier est sûrement un survivant des incendies successifs qui ont touché cette jasse au cours des dernières décennies. La présence de 2 bandes blanchâtres sur la face supérieure des aiguilles et la couleur rouge de son fruit permet de le différencier très facilement du genévrier commun présentant une seule bande blanchâtre et un fruit de couleur noire. Nous traversons la Jasse del Roc, quand la présence côte à côte d’Erica arborea et Erica scoparia présente un précieux caractère pédagogique qui parait judicieux d’utiliser. L’Erica arborea avec ses rameaux denses, blanchâtres, pubescents et ses petites fleurs blanches, tranche avec Erica scoparia et ses rameaux grisâtres, glabres et ses petites fleurs jaunes verdâtres. Ces 2 bruyères ont eu au cours des siècles passés une utilisation traditionnelle locale. Aujourd’hui elles sont encore utilisées et exploitées. En effet les racines d’Erica arborea sont utilisées par les pipiers pour confectionner, entre autres, les pipes de St Claude. Quant aux rameaux d’Erica scoparia, ils sont utilisés pour fabriquer des balais ou, comme on l’observe en Espagne, pour confectionner la parties couvertes des paillotes ou bien des palissades.

Sur un milieu exclusivement minéral, l’Asarina procumbens (ci contre) ponctue de vert une masse rocheuse. Elle a pris possession d’une petite faille dans laquelle elle règne sans partage. Cette situation, sa pubescence généralisée, ses grandes fleurs blanc jaunâtre striées de rose ne peuvent pas la laisser se confondre avec une autre espèce.

Nous arrivons à l’embranchement d’une piste panneautée DFCI (2) où a été officiellement localisé le point d’éclosion de l’incendie du 21 mai 1995 à 13h32, qui a parcouru au final plus de 450 ha. Nous profitons de la présentation de cet incendie pour en rappeler les principales causes, qui, sur la période de 1993 à 2007, ont été dues pour 6 % à une origine naturelle (foudre), pour 16 % à de l’imprudence grand public, pour 20% à de l’imprudence professionnelle, pour 14 % à une origine accidentelle (Ligne HT, dépôt d’ordure) et enfin pour 44% à des actes de malveillance.

Lors de notre descente, nous parcourons une subéraie fortement impactée par le dernier incendie, nous traversons la ripisylve composée principalement de peuplier noir et remontons au milieu d’une formation ouverte à base de bruyère, de ciste et de chêne vert. Lors de notre remontée vers la chapelle, nous tombons nez à nez avec le peu commun Dictamnus albus ou fraxinelle (ci dessous à gauche). Encore en bouton, il parait bien fade au milieu des pivoines qui l’entourent.

Nous arrivons enfin au pied de l’antenne où la guérite du guetteur nous rappelle la sensibilité à l’incendie du secteur mais aussi l’exceptionnel point de vue dont on peut bénéficier et au fait qu’au XIII° siècle, ce site, considéré comme stratégique, avait été choisi pour y ériger une fortification.

Durant cette journée d’herborisation, ce seront plus de 250 espèces qui auront été observées, dont 3 protégées à l’échelle nationale et plusieurs autres considérées comme patrimoniales ou remarquables. Cela confirme bien le caractère d’exception du massif de Força Real.

 
(1) ZNIEFF : Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique
(2) DFCI : Défense des Forêts Contre les Incendies
  Texte : Serge Peyre
Photos : Monique Bourguignon, Armelle Dufay, Martine Langlais, Jean Christophe Millet et Serge Peyre