Compte rendu de la sortie du 1er octobre 2006 à Leca
Découverte de la forêt du bac de Léca 
de 1000 m à 1250 m d’altitude


Ce dimanche 1 octobre, le soleil au rendez vous, 25 adhérents et sympathisants de la SMBCN s’élançaient sur les rives du Riuferrer à la découverte d’une partie de la forêt domaniale du Haut Vallespir.
En début de ballade on rappela le contexte dans lequel ces versants avaient été acquis par l’Etat dans le cadre de la « restauration des terrains en montagne ». Ces terrains privés ont fait l’objet d’expropriation d’abord au début du 20ème siècle, puis dans les années 1950, dans le but de réaliser des travaux de protection contre l’érosion et les inondations : ouvrages de correction torrentielle, de retenue des terres et reboisements sur les landes et pelouses dégradées. A noter que la forêt, pour l’ensemble du département, appartient pour 2/3 à des particuliers et pour le tiers restant à des collectivités territoriales et à l’Etat. La forêt, qui devait être le cadre de notre sortie, est une propriété de l’Etat gérée par l’Office National des Forêts.
Pour commencer, le chemin a suivi le Riuferrer dont la rumeur a accompagné les explications sur la définition d’une ripisylve et sur les notions de lit mineur et majeur.
La ripisylve est une formation végétale localisée en bordure de cours d’eau généralement sur son lit majeur. Dans notre cas elle se caractérise par une galerie d’aulnes glutineux, de peupliers tremble, de frênes et de tilleuls à petite feuille accompagné par un sous étage de noisetiers.
Si le lit mineur correspond à l’espace occupé par les eaux dont le niveau oscille entre les berges, le lit majeur correspond à l’espace pouvant être occupé par les eaux en crue. La végétation qui les recouvre s’en trouve donc différenciée et notamment par la disparition des espèces plus hygroclines comme l’Aulne glutineux.
Alors qu’on s’éloignait du torrent et qu’on commençait à s’élever sur le versant, la rencontre d’un magnifique hêtre, caractéristique de l’étage montagnard, abattu naturellement nous montrait la vulnérabilité de ces véritables monuments végétaux lorsque les conditions naturelles ne sont plus favorables. En effet un sol superficiel sur une dalle de gneiss compacte et un relief accidenté n’ont pas permis à ces végétaux de s’ancrer solidement. L’arbre chu laissait apparaître un système racinaire peu épais par rapport au standard qu’on trouve généralement dans la bibliographie, selon laquelle le volume racinaire d’un arbre est égal au volume de son houppier. Si ce standard peut se confirmer pour un arbre isolé, ce n’est pas le cas pour un arbre en peuplement forestier où le volume racinaire est nettement plus faible. La stabilité des arbres en forêt s’obtient généralement par l’effet du groupe qui peut néanmoins être rompu par des conditions particulières comme l’exposition à un coup de vent exceptionnel.
Nous en profitons pour observer les effets de l’érosion sur ces versants abrupts encore proches du lit du torrent : la terre nue est semée de petits reliefs résistants : graviers, bois, herbes, mousses qui sont autant de « buttes témoins » sur la surface de terre fine érodée. A l’échelle du versant, le décrochement de terre qui a emporté ce hêtre, participe aux grands mouvements de glissement de terrain qui dénude le bas des versants, sapés par les torrents en crue, et dont les plus importants constituent des chalades.
Le rôle de la végétation pour prévenir l’érosion joue à plusieurs niveaux : les racines des arbres, les feuilles et l’humus, le tapis herbacé et les mousses du sous-bois peuvent retenir directement la couche de terre de surface, mais, sur forte pente et avec un ruissellement énergique de l’eau, c’est un pouvoir très limité.

Le plus important est d’empêcher la pluie d’arriver avec trop d’énergie sur le sol. C’est donc les cimes des arbres, les feuilles des arbustes et les broussailles qui interceptent les gouttes ; celles-ci, dirigées par les branches vers le tronc ou relâchées vers le sol, l’atteindront avec moins de force. Mais cet effet est aussi relatif sous le climat méditerranéen caractérisé par des chutes d’eau brutales. Enfin, ce malheureux hêtre nous prouve que la végétation est souvent impuissante à nous préserver des glissements de terrain.

Nous continuons notre ascension et passons d’un versant d’exposition nord à un versant d’exposition est, sur lequel la végétation révèle le changement climatique lié à cette différence d’ensoleillement : nous rentrons dans des formations plus claires à base de chênes pubescents. Leur rectitude nous fait soupçonner une hybridation avec le Chêne sessile.
Une pessière (boisement d’Epicéa commun) attire notre attention par la pauvreté de son sous-bois et la forte présence de branches mortes sur la partie inférieure de son tronc. En effet la densité du couvert de l’Epicéa limite la pénétration de la lumière et par conséquent le développement de toute végétation de sous-bois. Par ailleurs l’Epicéa a un très mauvais élagage naturel  qui oblige le forestier, désirant produire du bois de menuiserie, d’élaguer artificiellement les arbres sélectionnés.
Cette pessière marque les premiers boisements artificiels effectués après guerre par le service des restaurations des terrains en montagne (RTM) dans ce secteur. Ces boisements  ont été réalisés dans un objectif de retenue des sols et pour limiter les conséquences catastrophiques de crues telles que celle de l’Aiguat de 1940.

Qui dit boisement dit piste nécessaire pour l’implanter. Dans les années 1950 qui ont vu les premières plantations, des chemins muletiers ont été créés ou améliorés à partir de ceux qui avaient servi aux charbonniers. Nous en suivons un pendant une partie de la montée, caractérisé par une pente très régulière et de petits ouvrages de pierres dressées pour évacuer l’eau de ruissellement. Mais par la suite, pour permettre la mécanisation des opérations sylvicoles, il a fallu ouvrir des pistes. D’ailleurs, on en croise une ouverte récemment afin de pouvoir éclaircir des peuplements denses d’épicéas et autres résineux. Elle nous choque par la blessure occasionnée par le terrassement. Néanmoins Serge précise qu’une cicatrisation par la végétalisation des talus et de la plate forme se produira d’ici 5 à 10 ans. Les pistes restent un aménagement indispensable pour pouvoir gérer un massif forestier. On distingue les pistes principales qui permettent aux camions d’accéder dans la forêt et les pistes secondaires uniquement empruntées par le matériel d’exploitation. Pour simplifier, classiquement dans les Pyrénées, le bois prélevé est coupé sur la parcelle, empilé ou rassemblé par traction animale et ensuite porté ou traîné depuis la parcelle jusqu’à une piste principale à port de camion par un tracteur qui rentre donc rarement dans les parcelles.

Nous arrivons dans une pinède claire de pins à crochets dont le parterre est ponctué de Crocus qui se différencient  des Colchiques  par le nombre d’étamines (3 pour le crocus et 6 pour le colchique) et le stigmate ramifié.
L’après midi, nous suivrons une piste forestière horizontale qui nous permettra de traverser des boisements artificiels de mélèzes d’Europe, de sapins de Nordmann, de pins laricio et d’épicéas.
Pendant que certains herborisent sur les talus, d’autres arpentent le versant de part et d’autre du chemin pour ramasser bolets, girolles, russules, lactaires…

Croccus nudiflorus
Au bout de la piste forestière un substrat calcaire nous fait découvrir une autre flore avec la présence de Gentianella ciliata, Sesleria caerulea, Hippocrepis comosa, …
Vers 17h, par un chemin abrupt, nous rejoignons le hameau de Léca.

Comment peut on les différencier ?

Mélèze d’europe : Cône généralement allongé

Mélèze du japon : Cône ovoïde

Epicea commun : petites aiguilles étroites insérées densément sur un rameau rougeâtre par l’intermédiaire d’un coussinet persistant sur le rameau (donc rugueux) + cône pendant sur l’arbre et qui tombe entier au sol

Sapin pectiné : aiguilles de 15 à 30 mm de long et 1.5 mm de large avec 2 bandelettes blanchâtres sur la face inférieure , insérées directement sur le rameau lisse + cône dressé et se désarticulant sur l’arbre

Sapin pectiné : Le rameau de l’année est grisâtre et pubérulent + disposition des aiguilles sur un plan (mais plus ou moins en brosse au soleil)

Sapin de nordman : le rameau de l’année est brun verdâtre et glabre + disposition des aiguilles en brosse (demi écouvillon)

Pin laricio : Aiguilles souples, frisées non piquantes (non frisées sur celui de Calabre)

Pin noir d’Autriche : Aiguilles droites, rigides et piquantes

Pin à crochets : Aiguilles vert foncé et peu vrillée, disposées en écouvillon sur le rameau + cône ovoïde dissymétrique + écorce grise + port en pain de sucre (branches courtes)

Pin sylvestre : Aiguille vert bleuté et vrillée, rameau hirsute + cône ovoïde conique + écorce jeune rose saumon + port plus étalé (branches longues)

Texte : Louis Thouvenot et Serge Peyre
Photos : Camille BINDA