Compte rendu de la sortie du 2 mai 2010 à Maury

Balade au pied des Corbières

Le temps clément, malgré une légère tramontane, avait attiré bon nombre de botanistes à cette balade sur le territoire de Maury, à laquelle nous avaient conviés Louis Thouvenot et Jean-Marc Lewin. Nous nous retrouvons sur la route de Maury à Cucugnan, au lieu-dit Roubials, d’où part un sentier d’interprétation tracé par la Communauté de communes Agly-Fenouillèdes dans une forêt de pins d’Alep. Mais nous ne suivrons pas ce sentier, car l’un de nos objectifs est d’aller vers le nord, jusqu’aux rochers de la Mouillère, pour vérifier l’éventuelle présence de l’euphorbe épineuse (Euphorbia spinosa), mentionnée par Gaston Gautier à la fin du XIXe siècle. Nous n’y croyons guère, mais on ne sait jamais…

Autre objectif : retrouver la germandrée jaune (Teucrium flavum), observée sur le site en 2002, plante qui était jusqu’alors inconnue dans le département. Myriam, qui a une excellente mémoire des lieux, a vite fait de la repérer : elle n’a pas changé de place (c’est l’avantage des vivaces !), mais elle ne fleurira qu’à la mi-juin, et nous devons nous contenter des premières feuilles et des tiges de l’année précédente.

 

La germandrée jaune ou Teucrium flavum, photographiée mi juin

Comme nous avons délaissé le sentier d’interprétation, nous grimpons en pente raide sur ces schistes noirs qui contribuent à la saveur des vins de Maury. Mais les arrêts sont nombreux, et il faudra une bonne demi-heure pour gravir quelques dizaines de mètres. Nous voilà maintenant dans la forêt de pins, où nous nous arrêtons devant les bruyères : la bruyère arborescente (Erica arborea) est encore abondamment fleurie, tandis que la bruyère à balais (Erica scoparia) n’épanouira ses minuscules fleurs que quelques semaines plus tard.

la bruyère arborescente ou Erica arborea
la bruyère à balais ou Erica scoparia

Autre arrêt devant les séneçons : nous avions rencontré plus bas Senecio gallicus, le séneçon de France, un habitué des lieux (Gautier le mentionnait déjà à la même place), et à présent c’est le séneçon visqueux (Senecio viscosus) qui domine, reconnaissable à ses poils glanduleux qui collent aux doigts.

Au sortir de la forêt, le sentier serpente parmi les vignes et les friches jusqu’au lieu prévu pour le déjeuner : un petit ruisseau aux eaux tièdes où abonde le cresson des fontaines (Nasturtium officinale). Pendant que Louis fait une intéressante récolte de bryophytes, nous découvrons une flore assez riche : les bords du ruisseau sont tapissés de cheveux-de-Vénus (Adiantum capillus-veneris), on y rencontre aussi le mouron d’eau (Samolus valerandi) aux toutes petites fleurs blanches, ou encore les feuilles du cirse de Montpellier (Cirsium monspessulanum) et celles d’une espèce protégée nationalement, la lysimaque à feuilles de saule (Lysimachia ephemera), dont la longue hampe de fleurs blanches s’épanouira en juillet.

Louis fait une intéressante récolte de bryophytes comme la Grimmia orbicularis ci dessus

Retour sur le sentier qui, dans une végétation de garrigue, va s’élever progressivement jusqu’aux rochers calcaires de la route de Quéribus. C’est l’occasion de se poser des questions dont la réponse n’est pas toujours forcément claire : quel nom faut-il donner à cet ophrys au petit labelle ovale ? Autrefois, on aurait répondu sans hésiter Ophrys araneola (rebaptisé depuis litigiosa), mais il semble bien qu’on a affaire à une espèce plus tardive, Ophrys virescens, remise à la mode depuis quelque temps. C’est en tout cas la détermination que nous retenons. Quelques mètres plus loin, Jean-Marc nous apprend que la dame-d’onze heures que nous apercevons au bord du chemin ne s’appelle plus Ornithogalum umbellatum, mais O. angustifolium. Quant au colchique rencontré un peu plus tard, dont nous verrons les feuilles et les fruits, on l’identifiait facilement autrefois comme Colchicum arenarium, mais depuis son nom varie selon les auteurs : Colchicum neapolitanum pour les uns, Colchicum multiflorum pour les autres. De quoi y perdre son latin de botaniste !

l'Ophrys virescens Philippe ou Ophrys verdissant

Nous voici maintenant parmi les rochers, où nous découvrons le coris de Montpellier (Coris monspeliensis), qui n’a pas encore épanoui ses étranges fleurs roses, puis l’euphorbe à têtes jaune d’or (Euphorbia flavicoma). Par contre, pas la moindre trace d’Euphorbia spinosa. Nous en arrivons à la conclusion que Gautier ou l’un de ses proches avait sans doute confondu E. flavicoma avec E. spinosa. Pas de trace non plus du ciste crépu (Cistus crispus), lui aussi signalé dans le même secteur.

Comme c’est souvent le cas, la descente est beaucoup plus rapide que la montée, et les déterminations se font plus rares, même si certains demeurent très vigilants. Ainsi, alors que nous regagnons nos véhicules, Jean-Marc aperçoit au coin d’une vigne un superbe pied d’Asparagus officinalis fleuri avec un turgeon sortant de terre. Ce sera la dernière détermination d’une journée bien remplie.

   
 
Texte : Jean Tosti
Photos : Hubert Fagot, Louis Thouvenot et Jean Tosti