Compte rendu de la sortie du 5 juin 2011 à Arles sur Tech
Forêt du Puig de l’Estelle - entre calcaire et granit! (Vallespir)
 
Ce dimanche 5 juin, malgré un ciel chargé et menaçant, une quinzaine de courageux se retrouvait à l’entrée de la Forêt départementale du Puig de l’Estelle. Cette forêt, acquise par le Conseil Général des Pyrénées Orientales en 1977, couvre une superficie de 214 ha et s’étend sur les communes d’Arles-sur-Tech et de St Laurent-de-Cerdans.

Elle se divise en une partie boisée de 145 ha, principalement composée de châtaigneraies, de chênaies et de pinèdes et d’une partie non boisée de 70 ha, recouverte de parcours pastoraux. Comme le prévoit le code forestier, la Forêt Départementale est dotée d’un document de gestion durable qui établit le programme des travaux et des coupes. Son application est conduite sous la maitrise de l’Office National des Forêts.

La présentation faite, la balade peut commencer. Le groupe s’élance sur la piste forestière, ouverte 10 ans auparavant afin d’optimiser la desserte forestière de ce massif. Le panneau DFCI et celui indiquant « Cami de passajeda » démontrent bien le caractère multi-usages de cette piste, comme la majorité des pistes présentes dans le massif. En effet, cette piste peut aussi bien être empruntée par des randonneurs, des cavaliers, des camions pompiers, des grumiers….

Dès le départ, nous ne pouvons ignorer la présence d’Orchis des bois (Dactylorhyza fuchsii (Druce) Soo) qui jalonnent la piste et dont les épis denses et allongés, de couleur rose-violet vif, attirent notre attention et nos appareils photos. Au cours de notre cheminement, nous observons plusieurs espèces inféodées ou adaptées aux milieux calcaires. C’est ainsi que sur un rocher, nous contemplons un tapis de Germandrée des Pyrénées (Teucrium pyrenaicum L.), caractérisée par ses feuilles pubescentes sur les deux faces et ses inflorescences jaunâtres en têtes terminales.

Ailleurs, c’est le discret Hippocrépis queue-de-scorpion (Hippocrepis scorpioides Benth.) avec ses inflorescences composées de 5 à 8 fleurs jaunes en ombelle portée sur un long pédoncule, qui devient le temps d’une pause, le centre de nos discussions.

Orchis des bois (Dactylorhyza fuchsii (Druce) Soo)

Plus loin c’est l’Astragale de Montpellier (Astragalus monspessulanus L.) dont les gousses rouges et arquées pendent aussi au bout de longs pédoncules.

Nous quittons la piste, traversons une clôture, pour nous engager sur un sentier plus ou moins marqué qui traverse une prairie ponctuée, entre autres, de Lamier flexueux (Lamium flexuosum Ten.) et jonchée de crottes de cheval.

Nous remontons un ravin où de vigoureux chênes et tilleuls nous rassurent dans le cas où le ciel menaçant venait à se lâcher.

Les chênes pubescents (Quercus humilis Miller) nous impressionnent par l’élégance de leur port et la rectitude de leur tronc qui pourraient les faire passer pour des chênes sessiles

Astragale de Montpellier (Astragalus monspessulanus L.)

Quant aux tilleuls, ce sont des Tilleuls à petites feuilles (Tilia cordata Miller) qui se distinguent de son cousin qu’est le tilleul à grandes feuilles (Tilia platyphyllos Scop.), par des feuilles plus petites, vertes et glabres en dessus, glauques et glabres en dessous, avec les bifurcations des nervures garnies de poils roussâtres. Si leur bois tendre est peu apprécié dans la construction, Leur aubier (partie superficielle du bois située sous l’écorce) est par contre fortement prisé et localement récolté pour ses qualités antispasmodiques. Il est d’ailleurs commercialisé dans les pharmacies sous l’appellation « Aubier du Roussillon ».

Nous quittons le chemin pour reprendre la piste et arriver au mas de Falgas où Sylvain et sa compagne nous accueillent. Afin de nous abriter, ils nous ouvrent la grange qui en 1989 à été le cadre de « La fille des collines », film de Robin DAVIS, avec Nathalie Cardone, Tchéky Karyo et Florent Pagny. Ce mas, par son architecture typiquement catalane et la couleur de sa pierre , nous ravit.
Après le repas, nous allons admirer le chêne de Falgas qui avec son diamètre de 1.40 m, peut être considéré comme remarquable. Ce chêne vert (Quercus ilex L.) sûrement tricentenaire, au milieu de cette prairie, est le vestige d’un passé très actif sur le plan agricole. Il a su survivre, au cours des derniers siècles, à la coupe, à la dent du bétail et à d’autres menaces. On peut supposer que cette survie est due au rôle de limite parcellaire ou de réserve fourragère (glands) qu’il remplissait.

le chêne remarquable de Falgas
Le mas de Falgas
Nous nous engageons derrière le mas et parcourons la prairie naturelle d’où émergent ponctuellement des Orchis pyramidaux (Anacamptis pyramidalis (L.) L.C.M. Richard) aux couleurs si vives, des Orchis brûlés (Orchis ustulata L.) au port si élégant et à tant d’autres espèces comme les si sobres orobanches et les si discrets plantains blancs (Plantago media L.).
En lisière d’une zone de pré-bois, nous nous agenouillons devant quelques pieds d’Ophrys de Catalogne (Ophrys catalaunica O. & E. Danesch). Cette orchidée, très rare à l’échelle nationale subsiste dans seulement quelques stations du département et des Corbières. Son labelle de couleur pourpre noirâtre velouté, marqué au centre d'une large tache subquadrangulaire, ne laisse personne indifférent. Nous immortalisons la rencontre.
Orchis pyramidal (Anacamptis pyramidalis (L.) L.C.M. Richard)
Quelques enjambées plus loin, une autre découverte nous ravit, l’Orchis odorant (Orchis coriophora L. subsp. fragrans (Pollini) K. Richter) caractérisé par son odeur vanillée et son labelle court et ponctué de rouge. Cette espèce inféodée au milieu calcaire est une rareté à l’échelle nationale.
Ophrys de Catalogne (Ophrys catalaunica O. & E. Danesch)
Orchis odorant (Orchis coriophora L. subsp. fragrans (Pollini) K. Richter)

Nous quittons la zone, reprenons la piste et nous enfonçons dans le versant.

Nous observons des espèces de milieu acide comme l’envahissante fougère aigle (Pteridium aquilinum (L.) Kuhn) et l’altier châtaignier (Castanea sativa Miller).


Nous longeons la parcelle 6 et 7 p de la Forêt Départementale qui a été parcourue pour une surface de 7 ha, par une coupe rase, au cours de l’hiver 2010/2011. Le taillis de châtaignier, âgé de 35 ans a été vendu à un exploitant local au prix de 14 500 €. Cette coupe était prévue dans le document de gestion durable de la forêt comme une opération de renouvellement du taillis de châtaignier.

Stockage de grumes de châtaignier

Malgré un ciel de plus en plus chargé et menaçant, nous traversons un jeune taillis de châtaigniers d’une dizaine d’années, pour rejoindre, le site dit de « La Tourre », où s’élèvent sur une éminence située au milieu d’une forêt de chênes et de châtaigniers, les vestiges d’une tour (ci-dessous) et d’une enceinte matérialisée par des murs arasés. Cette tour, d’un diamètre extérieur de 8.40 m et intérieur de 3.90 m (soit une épaisseur de mur de 2.25 m) s’élève sur une hauteur de 6 à 7 m. les murs d’enceintes matérialiseraient les vestiges du château de « Cher Corb » cité en 832 et 1197.

   

A proximité, nous contemplons le châtaignier classé de « La Torre » (ci-dessus à droite), dont le diamètre avoisine les 1.50 m et sa hauteur les 8 m. Son âge estimé à 250 ans en fait le plus vieux châtaignier du département. C’est en 1996, que l’Office National des Forêts, en collaboration avec l’association ARBRES, engageait le classement d’arbres remarquables en milieu forestier, situés sur des propriétés publiques. Sur un total de 2048 arbres sélectionnés à l’échelle nationale, 296 seront classés comme remarquables et d’intérêt national dont ce châtaignier de la Tourre.

Malheureusement l’orage nous chassera de notre contemplation et c’est sous des trombes d’eau et des éclairs assourdissants que nous parcourrons de manière précipité les 2 kms qui nous séparaient des voitures.

En l’espace d’une petite journée c’est donc plus de 140 espèces qui ont été déterminées, dont certaines présentant un intérêt patrimonial majeur (genre Ophrys). Cela démontre bien la richesse floristique du site.

De ce fait, un travail d’inventaire et de cartographie des habitats semblerait opportun à être conduit. Cela permettrait d’identifier ainsi les secteurs à forts enjeux environnementaux et les dispositions particulières à y appliquer pour les préserver. Ces travaux constitueraient aussi un outil d’aide à la gestion durable, pour les gestionnaires forestiers et pastoraux.

   
Texte : Serge Peyre
Photos : Monique Bourguignon et Serge Peyre